Vote de la délibération Economie de proximité en Rhone-Alpes

Délibération économie de proximité

Assemblée plénière Conseil Régional Rhône Alpes 13 décembre 2012

Intervention de Cyril Kretzschmar pour présenter la délibération

 

 

Nous avons voté notre Stratégie Régionale de Développement Economique et d’Innovation en avril 2011. Pourquoi à ce moment-là avons-nous affirmé le rôle stratégique de l’économie de proximité ? Nous sommes à l’heure de nouveaux chantiers sur la réorganisation territoriale. Au moment où certains de nos voisins, proches ou lointains, affirment, quitte à le faire de manière péremptoire, l’émergence des Eurométropoles, que fait la Région dans la proximité ? Ne nous reproche-t-on pas souvent d’être trop éloignés des plus de 40 bassins de vie de nos 8 départements, des plus de 200 000 entreprises et 6 millions de rhônalpines et rhônalpins ? Quelle est, au bout du compte, la valeur ajoutée de la Région pour les territoires en matière économique ?

En matière de politiques économiques, chaque collectivité agit librement comme c’est le cas pour la plupart des domaines d’action publique. le rôle de coordination est dévolu par la loi à la Région.

Ce rôle est délicat, parfois difficile, mais il demeure essentiel, quelles que soient les configurations actuelles ou futures de nos territoires. Le rôle de l’Europe, de l’Etat comme des Régions est à ce titre essentiel pour assurer un degré minimum de cohérence entre les politiques économiques, pour assurer tout autant une solidarité entre les territoires elle-même garante de la cohésion sociale nécessaire entre nos concitoyens.

La création de richesse ne peut se concevoir sans des politiques publiques de répartition de ces richesses. L’Etat agit sur la fiscalité des personnes et des échanges, les territoires – et en premier lieu les Régions – doivent veiller à prévenir les déséquilibres :  la concentration de ressources publiques et privées sur certains territoires crée des risques d’accroissement considérable des phénomènes de décrochage économique et d’accroissement des écarts de richesses.

Un territoire ne vit que par ses liens avec les autres territoires et ces liens fondent une partie significative de sa capacité à créer des richesses. Renault Trucks Vénissieux n’existerait pas sans doute sans le site Renault Trucks de Bourg en Bresse, y compris sans le site Iveco d’Annonay et de nombreux sous-traitants en Rhône-Alpes. Dans un univers totalement différent, la gastronomie lyonnaise ne serait rien sans le reblochon savoyard, le Saint-Marcellin, la caillette ardéchoise ou les grenouilles des Dombes.

 

Qu’appelle t-on l’économie de proximité ? Plusieurs économistes français comme Laurent Davezies et Bernard Pecqueur, ont mis en lumière le poids de différents secteurs économiques. Ils ont proposé une façon d’analyser les modes de création de richesse sur les territoires. Les secteurs visés sont ceux du local, de la micro-économie ancrée sur le territoire : on y retrouve les activités, entreprises et emplois de l’artisanat, du commerce dit de proximité, de l’économie sociale et solidaire et des TPE à influence locale. Les activités économiques dont l’essentiel des clients, fournisseurs, salariés et partenaires sont implantés dans le même bassin de vie font ainsi partie de l’économie de proximité.

Basée sur la relation directe et le circuit court, donc sur le lien, l’économie de proximité ne se résume pas à la question du lieu. La proximité n’est pas exclusivement géographique, mais s’étend aussi aux valeurs associées à un échange : le commerce équitable et responsable fait partie intégrante de l’économie de proximité.

Ces activités sont portées par des entreprises très nombreuses, mais aussi très petites[1], et c’est un des défis majeurs des politiques économiques.

 

Comment rendre les dispositifs publics accessibles à de si petites structures, démunies le plus souvent de moyens d’ingénierie nécessaire pour mobiliser les appuis publics ? Pas de DRH, pas de secrétaire général, pas plus que d’IRP dans ces entreprises…

La présente délibération cherche d’abord à améliorer l’accessibilité de nos politiques à ces petites structures de l’économie de proximité, grâce notamment à la mobilisation des démarches collectives comme le Plan PME, le contrat économique sectoriel ESS ou encore le Contrat de Progrès de l’Artisanat ATOUTS.

Nos dispositifs contractuels territoriaux négociés et mis en œuvre avec nos partenaires, les CDDRA, CFAC, PNR, CUCS ou, indirectement, GPRA, sont également des leviers importants pour agir en proximité aux cotés des acteurs locaux

L’objectif est  de soutenir les  territoires intéressés par cette démarche, pour enrichir leurs diagnostics locaux et stratégie de développement en matière économique, sans faire de faire de l’économie de proximité l’alpha et l’oméga de leurs projets

 

Comment se crée et se redistribue la richesse sur les territoires ? Voici la question centrale que cette délibération permet d’approfondir avec nos partenaires territoriaux.

L’économie de proximité est avant tout une façon de voir le développement économique local, une façon de changer de lunettes pour comprendre les modes de production de la richesse.

L’analyse de l’origine de l’ensemble des revenus produits sur un territoire, et pas uniquement les composantes du PIB, permet de distinguer quatre bases de revenus qui sont

  • la base productive : revenus liés à la présence d’actifs qui vivent sur le territoire et travaillent dans des secteurs d’activité de production des biens et des services vendus à l’extérieur du territoire
  • la base résidentielle : revenus issus des pensions de retraite, des dépenses touristiques marchandes et non marchandes, des revenus des capitaux mobiliers et fonciers, des revenus dont bénéficient les actifs qui résident sur le territoire mais travaillent ailleurs
  • la base sociale : revenus composés des prestations sociales (hors pensions de retraite) : indemnités chômage, allocations familiales, RSA…
  • la base publique : revenus liés à la présence d’actifs résidant sur le territoire et travaillant dans la fonction publique d’État, Territoriale et Hospitalière.

 

Ces quatre bases composent un « mix », un mélange aux contours très divers selon les territoires et la richesse de nos bassins de vie. En se livrant, avec les territoires eux-mêmes, à une analyse de ce mix, on constate plusieurs faits tout à fait éclairants :

  • la base productive représente moins de 20% des revenus de nos territoires
  • la base résidentielle représente plus de 50% de ces revenus, et ceux-ci contribuent à un réel dynamisme économique des territoires concernés
  • quatre types de territoires émergent clairement en Rhône Alpes :
    • un premier type productif, marchand et dynamique, centré principalement sur l’axe Lyon-Grenoble-Chambéry-Annecy
    • un deuxième type non productif, non marchand mais dynamique, car entretenus par le tourisme, les retraites et les salaires publics, autour des zones de montagne alpines et sèches
    • un troisième type productif et marchand mais en difficulté, composé de basins industriels en transition, principalement autour de villes moyennes dans la Loire, l’Ain, la Drôme
    • un quatrième type non productif, non marchand et en difficulté, dépendant principalement de l’apport de transferts sociaux. C’est le cas de différents espaces ruraux ou en grande périphérie de villes.

 

La priorité donnée dans les politiques publiques à un redressement productif trop fortement centré sur les seuls secteurs industriels traditionnels, et dans les zones d’emploi les plus performantes, risque, dit Davezies de creuser les disparités territoriales. « Faudra t-il choisir entre égalité territoriale et efficacité économique ? » nous interpelle l’auteur.

 

L’axe Economie de proximité de notre SRDEI se donne pour ambition de réussir les deux, l’efficacité économique comme l’égalité territoriale.

La délibération, s’appuyant sur les expériences d’une dizaine de territoires rhônalpins déjà engagés dans le développement de l’économie de proximité, propose aux territoires volontaires une démarche d’accompagnement autour d’un diagnostic de la création de richesse locale. Pour les territoires fédérés en CDDRA, CFAC ou PNR, nous soutiendrons de tels diagnostics globaux, s’appuyant sur les différentes bases citées précédemment, et leur permettant le cas échéant d’enrichir, de diversifier ou de concentrer leur stratégie de développement.

 

Cette démarche doit beaucoup au travail de nos partenaires élus au développement économique des communes et intercommunalités, aux professionnels du développement économique local fédérés autour de l’Association Rhône Alpes des Développeurs Economiques Locaux, ARADEL, ainsi que du Centre Régional de Développement Rural. A nos partenaires fédérateurs des acteurs économiques Chambres de Métiers et d’Artisanat (CRMA et CMA), Chambres de Commerce et d’Industrie (CCIR et CCIT), Chambres d’Agriculture (CRA, CDA), Chambre Régionale de l’Economie Sociale et Solidaire (CRESS). A l’Etat (Direccte, par son engagement politique et technique y compris via le Feder).

A mes collègues élu.es régionaux.ales associé.es à ces presque deux années de travail, élus rapporteur.ues de CDDRA et de CFAC ou administrateurs.trices de PNR ayant participé aux sessions de formation-action économie de proximité. A mes collègues vice présidents Jean Louis Gagnaire, Christiane Puthod, Hervé Saulignac, Gérard Leras, Michel Grégoire, Edouard Simonian, Claude Comet…. impliqués étroitement dans la préparation de ce texte. Aux membres de la commission emploi, économie, ESS, innovation sociale et dialogue social et à sa présidente Fatiha Benahmed, qui ont apporté leur réflexion politique depuis de nombreux mois. L’implication de l’ensemble de ces acteurs est un premier gage important pour la réussite de la mise en œuvre de cette ambition au service des territoires. Notre débat en assemblée permettra de nous approprier collectivement la démarche proposée.

 

La délibération propose différents leviers dans les politiques économiques régionales au service du développement des territoires. Ainsi insistera t-on sur les 5 leviers suivants :

  • aide à l’émergence de projets économiques et soutien à la création / reprise d’entreprise : les incubateurs, les coopératives d’activités et d’emplois, la reprise d’entreprise par les salariés comme la SET à St Jeoire…
  • soutien au renforcement de la qualité des emplois, avec le dispositif Securisera
  • mobilisation de projets fonciers et immobiliers : avis de la Région dans les documents d’urbanisme sur les questions de commerce et d’artisanat, immobilier coopératif pour l’ESS…
  • appui à de nouvelles formes d’ingénierie financière : les monnaies complémentaires ou les outils de mobilisation de l’épargne locale comme « prêt de chez moi » à Roanne
  • développement de démarches de coopération économique, et notamment les Pôles territoriaux de coopération économique tel que Pôle Sud autour de l’entreprise Archer qui a relancé la production de chaussures « made in Romans », les SCIC Sociétés coopératives d’intérêt collectif, les nouvelles formes d’alliances économiques…

 

Nous avons revisité, à travers des 5 leviers, de nombreux dispositifs régionaux, afin de les orienter encore mieux vers les territoires. Je vous encourage, chers collègues du délibératif comme de l’exécutif, à faire de même selon les responsabilités qui sont les vôtres. Dans vos CDDRA, CFAC et PNR ; dans vos politiques sectorielles et via vos partenariats avec les acteurs locaux. Un prochain appel à candidature « formation-action économie de proximité » sera lancé dés demain ; je vous remercie de la relayer autour de vous.

 


[1] L’effectif moyen des 120 000 entreprises artisanales rhônalpines est de 2 salariés. Les entreprises de moins de 10 salariés constituent près de 90% de l’emploi privé en Rhône Alpes.

 

RRA – Economie de proximite – déliberation

RRA – Economie de proximite – rapport

RRA – Economie de proximite – annexe au rapport

 

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