L’économie sociale et solidaire survivra-t-elle à la Loi Macron ?
Le projet de loi Macron va-t-il détricoter la loi Hamon ? Des signes tangibles semblent le montrer. Le droit préalable d’information des salariés en cas de cession d’une entreprise est par exemple dans le collimateur.
Certains signes le laissaient transparaître… Le projet de loi Macron, sous le costume apparemment consensuel de la croissance et du développement de l’activité, s’attaque à l’économie sociale et solidaire telle que prônée quelques mois plus tôt par la loi Hamon.
Une série d’alertes
La première alerte est venue d’un amendement discret et assez technique du député François Brottes concernant la limitation des contrats d’affiliation des commerces. Dans l’objectif de donner plus de liberté aux commerces affiliés ou en franchise, cet amendement risque de fragiliser fortement les coopératives de commerçants, tels les Leclerc ou les opticiens Atol. La querelle fait rage au sein des différentes familles de regroupements commerciaux et les arguments sont difficiles à partager. Mais on peut regretter que, pour le gouvernement, la structuration en coopérative soit, dans ce cas, perçue manifestement comme un frein au développement économique et pas comme un levier.
La seconde alerte, et l’on espère qu’elle n’en deviendra pas la deuxième, est subodorée dans un article du Figaro du 9 mars : le ministre Macron souhaiterait mettre à profit les amendements à venir du Sénat pour supprimer le droit préalable d’information des salariés en cas de cession d’une entreprise. Cette disposition de la loi Hamon, visant à accentuer les efforts en matière de reprise d’entreprise par les salariés, a créé beaucoup d’émoi au sein du patronat l’année dernière. Benoit Hamon a tenu bon et fait voter cet article de loi, arguant du fait qu’une telle disposition existait dans beaucoup de pays européens, et qu’elle n’entachait en rien le secret nécessaire aux transactions et le droit de propriété lui-même.
Salarié et patron, ça a du bon !
La reprise d’entreprise par les salariés, loin d’être une menace pour les dirigeants cédants, est une véritable opportunité pour eux et un vrai levier de développement économique pour le pays. En région Rhône Alpes, le mouvement coopératif, le Conseil régional et la Caisse des Dépôts ont créé un fonds de capital développement, TRANSMEA, dont l’objectif est d’aider les salariés à accéder progressivement au capital de leur entreprise. Les obstacles principaux à la reprise d’entreprise par les salariés ne sont pas économiques, fiscaux ou sociaux, ils sont tout simplement… culturels.
Les dirigeants, et particulièrement les patrons de PME, ne voient pas toujours que leurs salariés sont le plus souvent leurs meilleurs alliés en cas de cession. Les intermédiaires de cette cession que sont les conseils, avocats, experts-comptables, notaires, syndics ou juges du commerce ont tendance à se méfier d’une reprise par les salariés, sous forme coopérative ou non. Et pourtant, on peut, chiffres à l’appui, démontrer que ce type de reprise est beaucoup plus pérenne. Salarié et patron, ça a du bon !
Un rapport à la mi mars
Alors, pourquoi revenir sur un tel droit d’information offert aux salariés ? Les organisations patronales sont-elles si inquiètes face à une horde de salariés qui voudraient racheter leurs entreprises ? Bien sûr, une loi ne transforme pas par magie des salariés en actionnaires ; bien sûr aussi, la création d’un nouveau droit ne va pas sans créer des problèmes d’application, selon la taille de l’entreprise ou son secteur d’activités.
Le rapport de la députée Fanny Dombre-Coste, missionnée par Manuel Valls pour analyser les conditions de mise en œuvre de ce fameux droit d’information préalable est attendu pour la mi-mars. Au-delà des supputations journalistiques, on pourra sans doute apprécier à sa lecture la volonté de l’État de confirmer sa politique de promotion de l’économie sociale et solidaire comme un levier essentiel de croissance et d’emploi… Ou de la passer par pertes et profits.
Tribune publiée sur Acteurs de l’économie