JDE EELV 2013 : Atelier transition écologique de l’économie et de l’emploi
Compte rendu de l’atelier transition écologique de l’économie et de l’emploi,
organisé le vendredi 23 août 2013 11h30 / 13h salle LSH 207 dans le cadre des Journées d’Eté EELV 2013
Avec Emmanuel Delannoy, Philippe Frémeaux, Guy Hascoët, Philippe Chesneau animé par Cyril Kretzschmar et Olivier Masson
- Introduction de l’atelier et apports de contenu
Cyril Kretzschmar et Olivier Masson, co-animateurs de l’atelier précisent en introduction que l’objectif est d’aider les participants à disposer d’une approche très concrète de quelques voies de la transition écologique de l’économie. La transition, on en parle beaucoup chez les écologistes mais comment la fait on exactement ? Ils précisent que les travaux de cet atelier vont alimenter les commissions EELV économie/social et éducation/formation pour un travail conjoint qu’elles engagent cet automne. Après un court éclairage des 5 intervenants, deux sous-groupes sont invités à travailler sur les exemples illustratifs de l’auto-partage et de l’éco-construction (voir fiches ateliers en fin de compte rendu).
Emmanuel Delannoy, pour l’institut INSPIRE, donne quelques définitions de concepts fort utiles pour la transition de l’économie :
- L’économie de fonctionnalité vise à mettre le service attendu par le client au centre de la relation économique, et non plus le produit.C’est la fonction qui est à assurer qui devient la clé. L’exemple le plus souvent cité est Michelin qui, pour les grosses flottes de camions (transporteurs notamment), ne vent plus des pneus mais apporte une garantie totale du roulement des véhicules. Ce n’est plus seulement le pneu qui est proposé mais aussi son suivi, son entretien et son remplacement, ceci avec une durabilité plus longue. De nombreux exemples existent autour du matériel informatique (Rank Xerox), la mobilité (auto-partage) ou des produits chimiques (Dow Chemicals).
- L’économie circulaire vise à produire des biens et services en limitant le plus fortement possible la consommation et le gaspillage des matières premières et des sources d’énergies non renouvelables. Elle s’appuie sur l’éco-conception, la prise en charge dés la conception du produit ou du service, de l’économie en matière et en énergie et du potentiel de ré-emploi et de recyclage. Elle mobilise également l’écologie industrielle, l’ensemble des techniques visant à mieux valoriser les déchets, réduire les pollutions et les risques, dématérialiser les produits, décarboniser l’énergie. Les exemples les plus emblématiques sont Kalundborg (Danemark), Grande Synthe, Loos en Goëlle.
Emmanuel Delannoy insiste sur la nécessité de mieux synchroniser économie et écologie. Il ne s’agit pas de subordonner l’écologie au développement économique ou encore de faire le contraire. L’écologie peut être un levier puissant de développement économique et l »économie peut permettre à l’écologie de changer d’échelle. C’est l’enjeu clé de la transition écologique de l’économie que de réussir cette transition.
Philippe Frémeaux met en avant d’abord l’enjeu d’une macro-économie écologique. La transition ne se fera vraiment que si ce changement d’échelle se réalise. A l’exemple de l’économie sociale et solidaire, beaucoup de projets écologiques, durables, innovants… se mettent en place un peu partout ; mais ces projets, de taille très petite le plus souvent, ne sont pas mis en réseaux et sont difficilement transférables. Ils ne touchent pas non plus des secteurs entiers de l’économie comme l’industrie ou l’essentiel du commerce.
Ensuite les outils de mesure de l’économie eux même doivent être réformés en profondeur. Tant que le Produit Intérieur Brut est le seul baromètre de la création de richesse, la transition sera très difficile à imposer aux acteurs.
Enfin, en lien avec cette sortie du « tout PIB », la prise en compte de l’ensemble des activités humaines dans la création de richesse est nécessaire. Si seule l’activité classiquement productive et salariée est prise en compte, peu de transition possible là aussi.
Guy Hascoët rebondit sur ces propos pour insister sur cet adage : « small is beautiful but not enough ». Ce qui est petit est bon mais pas suffisant. Prenant l’exemple de l’éco-construction, il montre comment ce secteur peut devenir concrètement un champ considérable de la transition, porteur d’emploi et de revenus. Application complète des normes RT 2012 en matière de performance énergétique des bâtiments, outils de trésorerie et de financement mutualisés, démarche de formation des industriels, des artisans, des apprentis et chômeurs… Tous ces éléments doivent être articulés pour réussir cette transition.
Philippe Chesneau conclut les apports liminaires de l’atelier en mettant en avant la nécessaire prise en compte des enjeux d’équilibre économique et de rentabilité des solutions en matière de transition. Les acteurs économiques ne font pas évoluer leurs pratiques par conviction écologiste ou par grandeur d’âme. Ils le font parce que cela peut leur faire perdre moins d’argent voire en gagner plus. Les propositions des écologistes doivent intégrer ce raisonnement et mettre plus en avant les solutions concrètes qu’apportent la transition et leurs avantages, notamment économiques et financiers. Philippe renvoie également chaque participant à ce qu’elle/il peut impulser dans son propre environnement professionnel, militant ou personnel.
- Restitution du sous-groupe auto-partage
Alain Nérot résume les débats du sous-groupe ayant étudié les questions de la transition à travers l »exemple de l’auto-partage. La première condition de la transition est dans ce cas l’évolution des comportements des usagers/clients : accepter de partager un véhicule, intégrer les contraintes de disponibilité du parc notamment. Les participants se sont interrogés sur les motivations au co-voiturage, en pointant les situations dans lesquelles cette solution est choisie : milieu hyper-urbain, solution palliative à l’absence de véhicule personnel, pur calcul économique en cas d’usage très occasionnel. Comment les pratiques de co-voiturage peuvent se développer auprès du plus grand nombre, au-delà de ces situations relativement contraintes ? L’économie collaborative est-elle vraiment accessible à tous ?
Le groupe a constaté également le rôle très important joué par les TIC dans le développement de l’auto-partage : la connaissance des voiture et emplacements disponibles, la gestion du parc, le développement de pratiques collaboratives… ne peuvent se mettre en place sans un système d’information et d’échange performant ; internet et l’open source ont largement facilité les choses et jouent un fort effet de levier. Philippe Frémeaux fait remarquer aux participants que le capitalisme lui-même n’a pas attendu les expériences communautaires pour inventer l’auto-partage. La location de voiture est une forme privatisée d’auto-partage qui fonctionne particulièrement bien (Hertz, Avis…), de même que les sites de troc comme Le Bon Coin connaissent un succès spectaculaire. L’un des participants nous parle de l’exemple du site www.myrecyclestuff.com qui permet de troquer des objets plutôt que de vouloir les vendre. Comme dans cet exemple, la transition doit nous amener à faire la promotion de formes d’économie collaborative plus génératrices d’intérêt général.
Le troisième point mis en avant dans la synthèse est le nécessaire changement d’échelle de ces expériences. Le développement des TIC, l’accélération des échanges, l’amélioration de la valeur ajoutée apportée aux utilisateurs doivent permettre d’accroître l’échelle des projets. De nouveaux acteurs émergent alors pour porter ces projets, des entrepreneurs de la transition en capacité de mobiliser des modèles économiques plus collaboratifs, du développement, des emplois. Une façon d’associer la figure de l’entrepreneur à celle du militant.
- Restitution du sous-groupe éco-construction
François Astorg résume les points clés du sous-groupe autour des enjeux de l’éco-construction. Cette question peut devenir un réel chantier de masse en France si le cadre législatif, réglementaire et fiscal se met complètement en place, si l’organisation régionale des acteurs est opérationnelle, et si les actions se développement au niveau local. Le niveau national est à peu près en place, tous les feux ou presque sont au vert suite au Grenelle, à la Conférence Environnementale, aux lois préparées par Cécile Duflot. La réglementation impose l’éco-construction (RT 2012) et un futur guichet unique de la réhabilitation va se mettre en place prochainement. C’est aux échelles régionale et locale que nous pouvons, militants et élus EELV, contribuer à accélérer les choses. Beaucoup de pédagogie est à développer auprès des promoteurs, bailleurs propriétaires comme des locataires pour les aider à saisir les enjeux de l’éco-construction et de l’éco-rénovation. De nombreux projets professionnels sont également à promouvoir vers ce secteur, en soutenant la formation et l’accès à l’emploi. On parle de plusieurs centaines de milliers d’emplois à créer…
Fiche sous-groupe n°1 : l’économie collaborative levier de développement des compétences, exemple de l’auto-partage
Approche de l’économie collaborative
Le modèle d’une économie collaborative et ouverte consiste à s’appuyer sur l’intelligence collective de groupes ouverts pour assurer la conception et la production de biens ou de prestations de services. Du point de vue des entreprises, il s’agit de sortir de la linéarité, de la rigidité et de la hiérarchie des processus de conception et de production traditionnels pour s’ouvrir aux idées et compétence d’acteurs extérieurs : travailleurs indépendants, laboratoires de recherche, clients, etc. Il s’agit, plus spécifiquement, de mobiliser les réseaux où cette démarche collaborative est déjà fortement implantée : les réseaux auto-organisés d’individus-consommateurs-citoyens qui prennent en charge la production de biens communs ou de services adaptés à leurs besoins. Ce modèle de l’économie collaborative et ouverte repose sur une utilisation intensive d’internet et des technologies d’information et de communication (TIC) dans la mesure où ceux-ci contribuent à une intégration virtuelle des acteurs économiques (entreprises, consommateurs, administrations) à l’échelle mondiale. In « Des modèles de développement économique durable pour la Métropole, Nova7 pour Millénaire 3/Grand Lyon »
Exemples connus : auto-partage, co-voiturage, habitat coopératif, co-working (espaces de travail partagés), logiciels open source, communautés de chercheurs, plate formes collaboratives entreprises/clients, Pôles Territoriaux de Coopération Economique…
Exemple de l’auto-partage
Les principaux utilisateurs de l’auto-partage sont aujourd’hui des automobilistes contraints à l’utilisation des transports en commun par des politiques de stationnement restrictives. Ces utilisateurs sont très satisfaits par le service qui leur est proposé : l’auto-partage apparaît donc comme un levier d’acceptation des politiques urbaines de restriction de la voiture. Le deuxième type d’auto-partageur le plus répandu est constitué d’usagers multimodaux qui choisissent le moyen de transport le mieux adapté pour chacun de leurs déplacements. Les trois quarts des répondants à l’enquête résident dans la ville centre de leur agglomération. Ils sont des automobilistes occasionnels, bien connectés à l’offre de transports en commun, habitant dans un contexte où l’usage de l’automobile est contraint. L’auto-partage est donc un mode adapté pour des besoins ponctuels en milieu urbain, en complémentarité avec l’offre de transports existante.
Un tiers des auto-partageurs s’abonnent à l’auto-partage au moment où leur voiture personnelle arrive en fin de vie. La moitié des auto-partageurs s’abonne à l’auto-partage parce qu’il leur revient moins cher que la voiture personnelle. Avant d’être abonnés, environ un tiers des ménages ne possédait pas de voiture alors qu’ils sont trois quarts à ne pas posséder de voiture après adhésion. De plus, une large part des répondants déclare que l’auto-partage lui a permis de renoncer à l’achat d’une première voiture (34,4 % des répondants) ou d’une voiture supplémentaire (8,8 %).
La connaissance du système influence directement sa diffusion : 65 % des répondants se sont abonnés à l’auto-partage moins de 6 mois après avoir découvert son existence. La visibilité des stations d’auto-partage est un enjeu fort pour la diffusion du système : il s’agit du principal moyen de découverte de l’auto-partage pour les personnes qui se sont abonnées en 2012. Il existe une forte attente envers une offre de véhicules variés pour répondre à la diversité des besoins ponctuels et le développement de services en trace directe. Les abonnés à un service d’auto-partage en trace directe l’utilisent plus fréquemment que le reste des répondants, de même que ceux qui disposent d’un abonnement combiné aux transports en commun et à l’auto-partage sur un même support. Enfin, l’auto-partage est encore peu utilisé pour des déplacements professionnels : seuls 15 % des répondants sont abonnés à titre professionnel. 59 % des auto-partageurs n’utilisent jamais l’auto-partage pour des déplacements professionnels. In « Enquête Nationale auto-partage, 6T Bureau de recherche, rapport final janvier 2013″.
Selon un récent rapport de Frost & Sulivan, le nombre d’utilisateurs de services d’auto-partage a augmenté de 117% aux Etats-Unis entre 2007 et 2009. Pour l’instant, moins d’un million de personnes en Europe et aux USA pratiquent le covoiturage. Mais ce début timide cache une croissance exponentielle. D’ici 6 ans, 4,4 millions de personnes aux USA et 5,5 millions de personnes en Europe utiliseront ce genre de services, soit 10 fois plus qu’en 2009. L’impact environnemental direct de l’auto-partage est très important. L’étude estime que chaque voiture partagée permet d’en retirer 15 de la route. Et les utilisateurs des services d’auto-partage réduisent leurs déplacements de 31%.La technologie n’a pas d’effet de levier intéressant à elle seule. C’est sa capacité à accompagner les changements de comportements qui la rend réellement efficace. L’auto-partage est un bon exemple. Pour partager un véhicule, les utilisateurs recourent massivement aux technologies de l’information et de la communication (TIC) : système de réservation, paiement, clé électronique, géolocalisation des parkings, etc. Les TIC sont donc, dans le cas de l’auto-partage, des outils indispensables pour réussir la transition entre l’économie du produit (chacun son véhicule) et l’économie du service / de fonctionnalité. C’est également le cas du covoiturage qu’on ne peut industrialiser qu’à l’aide de sites web qui facilitent la rencontre entre l’offre et la demande de trajets. Fred Bordage pour Green IT 13 Avril 2010.
Fiche sous-groupe n°2 : les compétences de la transition écologique, vecteur de développement économique, exemple de l’écoconstruction
Enjeux écologiques pour le secteur du bâtiment
L’écoconstruction ou construction durable est la création, la restauration, la rénovation ou la réhabilitation d’un bâtiment en lui permettant de respecter au mieux l’écologie à chaque étape de la construction, et plus tard, de son utilisation (chauffage, consommation d’énergie, rejet des divers flux : eau, déchets)… Une écoconstruction cherche à s’intégrer le plus respectueusement possible dans un milieu en utilisant au mieux des ressources peu transformées, locales, saines, et en favorisant les liens sociaux. Une écoconstruction vise à consommer peu d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude. Sa conception bioclimatique et la composition de ses parois lui permettent de consommer le moins possible d’énergies d’appoint, optimisant les apports solaires, les déphasages et une ventilation bien dimensionnée…
Impliquer toute la chaîne des acteurs de la construction, dès l’amont du projet de construction (phase programmation et conception) en suivant les étapes de la mise en travaux puis en vérifiant la pertinence des options retenues et la qualité de leur mise en œuvre lors de la phase d’utilisation par les habitants et usagers, caractérise l’approche intégrée de toute démarche de Construction Durable. C’est ainsi qu’une approche par coût global d’un projet est privilégiée par rapport au coût à la livraison. Cette approche économique intègre non seulement les postes d’investissement traditionnels (tels que coût de conception, de pilotage, de construction) mais également les coûts de charges de fonctionnement de maintenance et de déconstruction. La valorisation des énergies utilisant les ressources naturelles permettant de se rapprocher des bâtiments de type habitat passif (qui consomment très peu d’énergie) ainsi que l’emploi de matériaux à faible énergie grise constituent également des thèmes prioritaires à satisfaire… En 2006, le secteur de la construction était responsable de 23 % des émissions totales de CO2 en France, ce qui en fait la troisième source d’émission derrière les transports (34 %) et l’industrie manufacturière (24 %). Article Wikipédia.
Capacités humaines clés pour l’éco-construction
Identification des pratiques transversales (techniques ou fonctionnelles) encouragées dans le cadre des engagements du Grenelle de l’Environnement et susceptibles de faire l’objet d’une formation :
Formation à la performance et à la qualité d’ensembleApproche globale de la performance énergétiqueAudit et calcul thermique avant intervention
Diagnostic de performance énergétique Autocontrôle, label, certification et garantie Réalisation de diagnostic technique immobilier Règlementation thermique neuf et existant Contrat de performance en exploitation Recyclage des produits de construction Élimination des déchets de la construction Économie d’eau en chantier de construction Gestion des chantiers à faible nuisance
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Formation à la maîtrise de la relation clientBon contact, écoute, réponse au maître d’ouvrageLisibilité des documents commerciaux échangés
Information sur les produits, conseils techniques Culture du financement et de la tenue du budget Service après vente et entretien d’équipement Formation à la gestion interne et à la relation interprofessionnelle Évaluation embauche de compétence non maîtrisée Management intégrant les nouvelles compétences Organisation et gestion de projet ou de chantier Connaissance de l’offre, pérennité de la fourniture Démarche d’association par projet, travail en réseau Développement de partenariats pérennes |
Pour les experts consultés, l’approche globale de la performance énergétique est la priorité absolue. Sa mise en oeuvre implique, notamment, une bonne maîtrise des pratiques d’audit thermique avant intervention, du contrôle voire de la garantie de performance énergétique, le tout dans le respect de la règlementation thermique. L’approche globale de la performance énergétique concerne l’ensemble des acteurs de la filière : de la maîtrise d’ouvrage à l’exploitation des bâtiments. Elle doit être accompagnée (hors maîtrise d’ouvrage) par des formations appropriées à la maîtrise de la relation client, à l’amélioration de la gestion – amélioration de la productivité avec les pratiques nouvelles – et à une meilleure maîtrise de la relation interprofessionnelle. Pour la maîtrise d’ouvrage, les enjeux principaux sont l’élaboration de cahier des charges dans le respect des engagements du Grenelle et l’apprentissage préalable des normes et des règlementations.
Il y a également un enjeu important autre que la formation : c’est le financement. L’approche globale et plus précisément la possibilité d’évaluer les économies (garanties) à l’utilisation et à l’exploitation des bâtiments pourront contribuer à orienter les choix de financement vers les solutions énergétiquement performantes. A l’autre extrémité de la chaîne d’acteurs, chez les exploitants, la priorité est à l’apprentissage de la gestion des bâtiments basse énergie et plus particulièrement à la mise en place délicate des contrats (d’exploitation) de performance énergétique avec redéfinition des responsabilités et des engagements des différentes parties. Etude ADEME BIIS 2009 pour comité de filière métiers du bâtiment Grenelle de l’Environnement (Rapport Létard).