Interview de Cyril Kretzschmar publiée sur le site Millénaire 3, centre de ressources prospectives du Grand Lyon
Dans le prolongement de sa Stratégie Régionale de Développement Economique et d’Innovation adoptée en 2011, le Conseil Régional a voté en décembre dernier une délibération visant à soutenir le développement de l’économie de proximité.
Comment la Région définie-t-elle l’économie de proximité et comment en est-elle venue à s’intéresser à ce champ de l’économie ?
L’économie de proximité se compose de secteurs d’activité créant de la richesse à usage local. Elle est essentiellement tournée vers la satisfaction des besoins des populations présentes sur le territoire. L’économie de proximité regroupe majoritairement des entreprises artisanales et commerciales, des structures de l’économie sociale et solidaire et des PME/TPE à ancrage local. Elle représente aujourd’hui entre 45 et 80 % de l’emploi sur les zones d’emploi de Rhône Alpes.
Ma délégation m’a conduit à prendre en charge le pilotage de contrats sectoriels dans les champs de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire. Ceci m’a amené à travailler avec les services de l’Etat, et notamment le responsable du service « économie de proximité » à la DIRECCTE Rhône-Alpes. De même, à cette époque, je me suis intéressé de près aux travaux de Laurent Davezies et Bernard Pecqueur. Cette idée d’économie de proximité a retenu notre attention parce qu’elle rejoignait l’enjeu de la transition écologique de l’économie, vers l’économie circulaire, l’économie de fonctionnalité ou encore l’économie collaborative. Elle permettait d’ancrer ces notions dans le territoire et de donner un sens transversal aux différents domaines de ma délégation. Plus largement, le développement de l’économie de proximité est apparu comme un levier essentiel pour favoriser la création d’emplois pour tous dans chaque territoire de la région. Ces différents éléments ont conduit à faire de l’économie de proximité l’un des trois axes de la SRDEI, Stratégie Régionale de Développement Economique et d’Innovation. D’une certaine manière nous avons posé dès 2010 une intuition, celle de l’intérêt de développer l’économie de proximité, avant de dire précisément comment nous entendions le faire en 2012.
Comment en êtes-vous venus à une approche plus opérationnelle de l’économie de proximité ?
La délibération que nous avons adoptée en décembre dernier expose trois grands leviers par lesquels la Région souhaite contribuer au développement de l’économie de proximité : aider les territoires à mieux prendre en compte l’économie de proximité dans leurs diagnostics territoriaux ; mieux soutenir la dynamique économie de proximité dans les contrats territoriaux ; articuler les politiques sectorielles de la Région au service de l’économie de proximité. Autrement dit, les deux derniers leviers d’action consistent à réagencer, réarticuler ou redéfinir des dispositifs régionaux existant, tels les Contrats de Développement Durable Rhône-Alpes (CDDRA), pour les mettre plus directement au service de l’économique de proximité.
Le premier axe en revanche est plus novateur. Il renvoie au travail de formation-action que nous conduisons depuis 2011 avec ARADEL (Association Régionale des Développeurs Economiques Locaux) auprès d’un certain nombre de territoires pilotes. Baptisée « Institut de Management des Pratiques Locales » (IMPL), cette démarche a accompagné jusqu’ici 9 territoires rhônalpins : le CDDRA de Bourg en Bresse, le Parc Naturel Régional du Pilat, l’agglomération du Pays Viennois, le PNR des Bauges, le CDDRA du Faucigny, le CDDRA du Haut Bugey, le CDDRA du Bugey, le Grand Projet Rhône-Alpes Grotte Chauvet. Elle en aura bientôt accompagné près de 25. Concrètement cette démarche consiste à expérimenter une approche du développement économique local basée sur les outils d’analyse des moteurs du développement proposée par Laurent Davezies. Elus, techniciens et partenaires du territoire se rassemblent pour produire un diagnostic ; ils le confrontent ensuite avec les autres territoires lors de sessions collectives. Ils partagent ensemble une analyse des moteurs de leur développement et construisent un projet économique intégrant de nouveaux indicateurs de richesse du territoire.
Cette expérience nous a permis de valider l’intérêt de l’approche par l’économie de proximité et de l’accompagnement personnalisé des acteurs des territoires autour des représentations qu’ils se font de l’économie locale. Le travail de diagnostic par les moteurs de développement permet en effet de comprendre le fonctionnement socio-économique d’un territoire d’une façon plus globale et systémique. Il permet d’appréhender de concert les différentes dimensions des économies locales, à savoir leurs dimensions productive, publique, sociale et résidentielle, et de cerner l’importance de la consommation dans l’économie de proximité. Aujourd’hui, notre volonté est de faire bénéficier de cet accompagnement tous les territoires de Rhône-Alpes qui en auront exprimé le souhait.
Selon vous, la notion d’économie de proximité fait-elle sens aux yeux du citoyen ?
Oui, je le pense. L’économie de proximité est au cœur de la vie quotidienne. Chacun d’entre nous est en contact avec elle chaque jour : les commerces, les artisans, etc. En revanche, le rôle de la circulation des revenus de l’économie de proximité est encore peu perçue. Il ne suffit pas de créer de la richesse. Encore faut-il que celle-ci circule localement !
Que peut-on attendre du développement de l’économie de proximité ?
Aujourd’hui, on observe une véritable accélération dans l’appropriation de l’économie de proximité dans les territoires. Les élus y voient un intérêt de plus en plus fort parce qu’elle leur permet de reprendre la main sur les questions économiques. Dans le contexte de la mondialisation, les stratégies de redéploiement et de désengagement des grandes firmes échappent pour l’essentiel aux territoires. Elles peuvent donner un sentiment d’impuissance. L’économie de proximité quant à elle présente un triple intérêt.
Sur le plan de l’emploi tout d’abord. Comme l’a montré le diagnostic que nous avons réalisé à l’échelle des zones d’emploi de Rhône-Alpes, l’économie de proximité représente entre 40 et 80% des emplois. L’économie de proximité joue un grand rôle dans la dynamique de création d’emplois. D’autant plus qu’elle correspond à des activités peu ou pas délocalisables. En tant qu’élu, je peux contribuer à l’amélioration de la situation de l’emploi. Un bémol cependant, une partie des emplois de l’économie de proximité, c’est-à-dire ceux qui sont peu ou pas qualifiés, sont porteurs de précarité, sur le plan du statut, de la durée du contrat, du temps de travail, etc. L’amélioration de la qualité des emplois et la sécurisation des parcours constituent donc un point de vigilance. Ensuite, parce qu’elle concerne les besoins concrets des habitants, leur identification et leur satisfaction, l’économie de proximité permet de contribuer à l’amélioration du cadre de vie. Enfin, parce qu’elle renvoie à des secteurs d’activités dont les centres de décision sont la plupart du temps ancrés dans les territoires, l’économie de proximité permet de développer des relations de partenariat dans la durée. Je peux mettre en place des politiques économiques dans la continuité. Au travers de l’économie de proximité, un maire peut donc transformer la physionomie d’un quartier en travaillant sur le développement du commerce, de l’artisanat et des services aux ménages. C’est quelque chose que l’on peut faire à l’échelle d’un mandat.
L’économie de proximité présente-t-elle un intérêt écologique ?
Cela me parait évident. En développant les circuits courts, en favorisant l’utilisation de ressources locales, en créant de nouvelles activités et valeurs économiques (telles que les ressourceries qui donnent une seconde vie à nos déchets), l’économie de proximité peut contribuer à alléger notre empreinte environnementale. Mais selon moi, l’intérêt écologique de l’économie de proximité va bien au-delà de la dimension environnementale : parce qu’elle s’enracine dans le local pour répondre aux besoins des populations présentes sur le territoire, l’économie de proximité permet de retrouver le sens même de l’économie, qui est de répondre aux besoins humains. Parce qu’elle valorise les petites et très petites entreprises, cette économie favorise la place des personnes dans la création de valeur comme dans les processus de prise de décision et amène à de nouvelles formes de coopérations entre les acteurs, qu’ils soient privés ou publics.
La prise en compte de l’économie de proximité n’implique-t-elle pas de reconsidérer l’approche de l’économie exportatrice ?
Ce qui me parait essentiel, c’est de ne pas opposer les deux et de ne pas privilégier l’une au détriment de l’autre. Il est important aujourd’hui de prendre en compte la complémentarité entre économie de proximité et économie exportatrice. C’est le ying et le yang du développement. La première bénéficie des richesses créées par la seconde. Tandis que la seconde a besoin de la première pour offrir un cadre de vie attractif aux actifs qu’elle emploie. L’interface entre ces deux parties de l’économie est importante à cultiver. Par exemple, en amenant certaines activités de proximité à se positionner à l’exportation, comme l’artisanat d’art notamment. Ou en s’appuyant sur la force de l’économie exportatrice pour soutenir l’économie de proximité. Cela n’est encore naturel parce que la pensée économique s’est beaucoup concentrée sur l’économie exportatrice, un peu sur l’économie de proximité, mais jamais sur l’interface.
Jusqu’à présent, l’économie de proximité n’a-t-elle pas surtout retenu l’attention des territoires ruraux et périurbains ?
Je pense que cela est en train d’évoluer. Parmi les territoires qui ont participé ou vont participer à la démarche IMPL que j’évoquais précédemment, une part importante sont des agglomérations : Vienne et Bourg-en-Bresse les années précédentes, Saint-Etienne, Roanne et Bourgoin-Jallieu cette année. Cela n’est pas un hasard. A Roanne ou à Saint-Etienne, on sait que le commerce et l’artisanat ont besoin d’être soutenus. Au Grand Lyon également on voit qu’il y a un intérêt croissant pour l’économie de proximité. Récemment le vice-président en charge de l’économie a affirmé que l’économie de proximité était un dossier que le Grand Lyon devait ouvrir avec les communes dans le cadre des conférences des maires. La question du maintien de certaines activités de proximité au cœur des agglomérations apparait de plus en plus cruciale. La flambée de l’immobilier pose problème à de nombreuses activités artisanales qui n’ont plus les moyens de rester en ville. Cela fait la part belle aux grands réseaux commerciaux de boutiques et de services. Le risque est qu’une partie de l’économie de proximité disparaisse.
Selon vous, de quoi a besoin aujourd’hui l’économie de proximité pour se développer davantage ?
Il me semble qu’elle a besoin tout d’abord de notoriété. On en parle beaucoup, mais dans un petit milieu. Et puis, comme tout concept émergent, les discours et les pratiques sont très repliés sur eux-mêmes, en laissant de côté les interactions avec ce qu’il y a autour, et en particulier avec l’économie exportatrice. A ce titre, on observe que le gouvernement n’a pas pris encore le virage de l’économie de proximité. Quel membre du gouvernement porte cette problématique à ce jour ? C’est dommage parce qu’elle pourrait constituer une des lignes de force économiques qui lui font défaut aujourd’hui.
Nous avons également besoins de développer de nouveaux modèles et outils d’analyse économiques. Au-delà des travaux de Laurent Davezies, nous sommes encore assez pauvres pour penser le développement de l’économie de proximité. La recherche académique a encore du chemin devant elle. Quant à nous, nous sommes pour l’instant tenus à expérimenter dans les territoires. D’une certaine manière, les pratiques sont en avance sur la conceptualisation.
Enfin, la création d’entreprise constitue un enjeu essentiel. Il faut tout d’abord se rappeler que la grande majorité des entreprises qui se créent chaque année relève de l’économie de proximité. La plupart des entreprises de l’économie de proximité ont moins de dix salariés. Ce qui veut dire qu’en général leur développement ne les mène pas à une taille importante. Dès lors, la croissance de l’économie de proximité implique de créer de nouvelles entreprises. De même, la recherche de nouvelles réponses à des besoins peu ou pas satisfaits relève largement de la démarche de création d’entreprise, en tant que capacité à comprendre des besoins et à dédier une activité à leur satisfaction. D’ailleurs le passage du besoin au projet est encore mal appréhendé. Aujourd’hui, de nombreux acteurs interviennent pour favoriser la création d’activités : la Région, les agglomérations, l’Etat, les chambres consulaires, etc. Or, les dispositifs mis en place se focalisent généralement sur le business plan. Généralement, ils laissent de côté ce que l’on appelle l’émergence, c’est-à-dire ce moment intermédiaire où un besoin a été identifié sans que l’on ait encore de véritable projet en face. Il faut que l’on invente des dispositifs qui permettent de faire se rencontrer des besoins et des porteurs de projets potentiels.
L’évasion commerciale et l’essor du e-commerce sont-elles les principales menaces pesant sur l’économie de proximité ?
Pour ce qui concerne l’évasion commerciale, c’est une évidence. C’est d’ailleurs souvent ce qui permet de faire prendre conscience aux élus l’importance de développer l’économie de proximité. A titre d’exemple, la vallée du Grésivaudan a une économie exportatrice très solide mais une économie de proximité en revanche très faible dans la mesure où les habitants vont consommer surtout à Grenoble et Chambéry. Pour le e-commerce, les choses ne sont pas aussi évidentes. Certes, il peut constituer une concurrence pour les activités de proximité. Mais à l’inverse il peut aussi constituer une opportunité pour ces dernières en leur permettant d’accroitre leur aire de chalandise. A cet égard, on peut citer l’expérience « Panier Oullins » qui a été soutenu par l’Etat et la Région. Il s’agit d’une plateforme de e-commerce qui fédère des commerçants et des artisans de la ville d’Oullins et qui permet aux consommateurs de commander à distance via internet. Ce type de plateforme peut donc permettre d’accroitre le chiffre d’affaire en captant de la demande à plus longue distance. De plus, la mutualisation de la plate-forme permet de partager les coûts et de gagner en visibilité par un effet vitrine plus important. On peut d’ailleurs imaginer des logiques de réseaux : par exemple une plateforme mettant en réseau les libraires de la ville ou de la région. Il faut analyser finement l’essor du e-commerce et savoir distinguer les offres qui ont une accroche avec la proximité et celles des grandes plateformes de type Amazon.
L’innovation apparait comme un levier incontournable de la compétitivité des activités à vocation exportatrice. A-t-elle aussi un rôle à jouer dans le développement de l’économie de proximité ?
Absolument ! On retrouve les différentes facettes de l’innovation dans l’économie de proximité : l’innovation technologique, organisationnelle, d’usage, sociale, écologique. Elles nourrissent l’économie de proximité comme elles nourrissent l’économie exportatrice. La différence c’est que l’accès à l’innovation est plus difficile pour l’économie de proximité parce qu’elle concentre moins de capitaux. Ce qui amène à penser que l’acteur public devrait investir davantage dans l’économie de proximité que dans l’économie exportatrice, qui est plus en capacité de financer ses besoins d’innovation.
Le financement de l’économie de proximité peut-il lui-même s’inscrire dans une logique de proximité en mobilisant l’épargne locale ?
C’est une piste intéressante, même si elle ne peut pas être la seule source de financement. Nous avons plusieurs projets en cours dans ce domaine. Par exemple, avec la Nef, coopérative de finances solidaires, nous venons de lancer un projet qui s’appelle « prêt de chez moi ». C’est une démarche de crowdfounding intermédié. Concrètement, via un site internet dédié, chacun peut cofinancer des projets d’activités qui ont été analysés au préalable par la Nef. La viabilité mais aussi la dimension éthique du projet sont donc évalué au départ. Cela fait une différence avec les autres démarches de crowdfounding qui se développent actuellement et dans lesquelles il n’y pas d’évaluation en amont des projets. Un autre exemple : le territoire de Biovallée dans le Val de Drôme cherche à mettre en place un produit d’épargne de proximité pour collecter l’épargne locale et financer les activités du territoire.
Les démarches actuelles d’urbanisme commercial et de management de centre-ville sont-elles à la hauteur des enjeux de l’économie de proximité ?
Je ne pense pas. Tout d’abord, il y a un vrai risque à ce que le développement de l’économie des villes ne soit accaparé par de grands opérateurs internationalisés, en particulier dans le secteur du commerce. Dans une agglomération comme celle de Lyon, on s’aperçoit que des opérateurs comme Unibail ou Carrefour s’accaparent les points d’accès névralgiques aux commerces, c’est-à-dire la Part-Dieu, Carré de Soie, Confluence, etc. On s’aperçoit également que le petit commerce aux alentours rencontre des difficultés. L’attractivité globale des grands pôles de commerce est telle qu’elle draine une demande qui se tournait auparavant vers le commerce de proximité. Ceci est d’autant plus prégnant que ces pôles sont maintenant situés dans la ville et non pas en périphérie. Je pense que c’est une erreur de tout miser sur ces offres très concentrées spatialement. D’une part, les grosses locomotives ont tendance à se percuter parce que l’offre globale est peut-être un peu surdimensionnée. D’autre part, il faut prendre en compte le reste du territoire et faire travailler ensemble des grands et les petits acteurs du commerce. Par exemple, pourquoi ne pas avoir prévu une petite cité des métiers de l’artisanat (plombier, électricien, menuisier, etc. ) juste en face du pôle de commerce de Confluence ?
Il est plus difficile de travailler avec le tissu de commerçants et d’artisans qu’avec les plus grandes entreprises de l’agglomération. Comme je dis souvent, il est plus facile de verser 1 million d’euros à une entreprise que 10 000 euros à 1000 entreprises. Quand on a 100 ou 200 commerçants ou artisans, des professions libérales, c’est beaucoup plus difficile pour avancer. On est face à des acteurs qui n’ont pas forcément le même état d’esprit, les mêmes valeurs. C’est là où nous manquons d’outils pour développer les coopérations entre acteurs, pour susciter de l’intérêt partagé et des démarches de projet collectif vraiment efficaces.
Pensez-vous qu’il soit utile et possible de décliner la logique des clusters à la sphère de l’économie de proximité ?
Oui, absolument. Dans le champ de l’économie sociale et solidaire, on trouve un dispositif qui s’en rapproche : les Pôles Territoriaux de Coopération Economique (PTCE). Il s’agit de groupements d’acteurs sur un territoire – entreprises, collectivités locales, centres de recherche et organismes de formation – qui mettent en œuvre une stratégie de coopération et de mutualisation au service de projets de développement local. Nous avons une expérience emblématique dans la région, à Romans, avec le groupe Archer qui regroupe une quinzaine de pôles d’activités au sein du PTCE Pole Sud. La différence par rapport aux clusters de l’économie exportatrice, c’est que souvent on n’a pas de grosses locomotives, comme les grands laboratoires et les grandes firmes du vaccin de LyonBiopole par exemple.
La Région associe développement de l’économie de proximité et développement de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS). Pourquoi ?
Nous estimons qu’il y a un lien entre les deux. Les activités de l’ESS se caractérisent par le fait qu’elles portent une grande attention aux besoins sociaux à satisfaire – le vieillissement, le handicap ou l’enfance par exemple – et qu’elles mobilisent des ressources et se déploient dans des périmètres plutôt réduit, 30 ou 50 km maximum. L’ESS s’inscrit naturellement dans une logique de proximité ; elle apporte également des méthodes de gouvernance efficace pour agir collectivement.
L’économie de proximité a-t-elle un rôle à jouer dans la relocalisation des activités de production ?
Je pense que ce sont deux questions différentes. Ne serait-ce qu’au niveau du capital nécessaire à la production. L’industrie automobile par exemple est fortement consommatrice de capital. À contrario, les activités de l’économie de proximité ont une plus faible intensité capitalistique. Or, par définition, les activités fortement consommatrices de capital ont tendance à se concentrer dans l’espace et non à se diffuser. Autrement dit, la question des besoins de capitaux constitue un frein à la relocalisation des activités de production. Sans parler des différences de coûts salariaux avec des pays comme la Chine ou le Bengladesh. Pour autant, lorsque les besoins en capitaux ne sont pas délirants, la recherche de la qualité peut donner un avantage à la relocalisation. J’ai en tête l’exemple de clients automobiles d’une entreprise de sous-traitance située près de Chamonix. Ces clients ont fait un calcul tout simple : si on cumule l’ensemble des coûts de production, transaction et de contrôle qualité pour acheter des balais d’essuie-glaces en Chine, il vaut mieux se fournir en France. En plus, cette entreprise a un niveau de réactivité plus fort que le fournisseur chinois. Peut-on être globalement moins cher, à qualité équivalente et coût complet, que la Chine ou le Maroc, c’est la vraie question. La gestion et la flexibilité des ressources humaines au niveau des territoires pour développer des productions sont peut-être une partie de la réponse. Cela renvoie à ce que l’on appelle la Gestion Territoriale des Emplois et des Compétences.
Comment le Grand Lyon peut-il accompagner les communes pour les aider à développer l’économie de proximité ?
C’est un enjeu essentiel car les communes de l’agglomération sont aujourd’hui assez démunies pour appréhender ce sujet. Le Grand Lyon pourrait développer une réflexion partagée à l’échelle des conférences des maires : Quel diagnostic ? Quels leviers ? Quelle articulation des politiques existantes en matière de développement économique ? Le Grand Lyon va se positionner demain sur l’économie de proximité pour offrir un nouveau service aux territoires, j’en suis convaincu.
Interview réalisée par Boris Chabanel (Nova7) le 13 mai 2013