La dynamique des monnaies locales complémentaires en Rhone-Alpes
Rhône Alpes est la région française qui connaît le plus de monnaies locales complémentaires en fonctionnement. Ce n’est pas tout à fait un hasard… Plutôt le résultat conjugué d’une stratégie régionale portée par les écologistes, et d’une multitude de projets citoyens ET économiques venant des territoires Un aperçu de ces monnaies, de leurs principes et raisons d’action, de la stratégie régionale qui les soutient.
La dynamique des monnaies complémentaires est forte en Rhone-Alpes.
Au cours de ce mandat 2010-2015, la Région a soutenu divers projets :
Des monnaies locales citoyennes :
La Mesure à Romans, https://www.facebook.com/communemesureromans/timeline
la Luciole en Ardèche, http://www.monnaie-locale-lucioles.org/
le Bel sur le bassin valentinois, http://www.delmo-asso.org/
L’Eleph à Chambéry, http://www.lamonnaieautrement.org/index.php/monnaie-citoyenne
La Gonette à Lyon, http://www.lagonette.org/
Le Lien dans l’agglomération stéphanoise, http://mlcc42.org/tag/projet-le-lien-monnaie-locale-complementaire-saint-etienne/
l’Eco du bon sens à Annemasse et bassin lémanique http://www.lecodubonsens.fr/
le projet de l’Ecole de la Nature et des Savoirs : http://www.ecolenaturesavoirs.com/projets/developpement-de-la-carte-biovallee-agir-ensemble/
Des monnaies inter-entreprises :
FranceBarter https://www.francebarter.coop/, (SCIC née en Rhone-Alpes),
ainsi qu’une application de barter spécifique dédiée aux clusters rhonalpins
Des monnaie-temps : 9 Accorderies
Chambéry : http://www.accorderie.fr/chambery/ ou http://www.lamonnaieautrement.org/index.php/l-accorderie
Pays Diois : http://www.accorderie.fr/die/
Grenoble : http://www.accorderie.fr/grenoble/
Ambérieu en Bugey : http://www.accorderie.fr/amberieuenbugey/
Bassin annécien : http://www.accorderie.fr/annecy/
Romans : http://www.accorderie.fr/romans/
Lyon 8e : http://www.accorderie.fr/lyon8/
Porte de Maurienne : http://www.accorderie.fr/aiguebelle/
Les Avenières : http://www.accorderie.fr/lesavenieres/
D’autres projets sont en construction.
Les monnaies complémentaires, comment ça marche ?
Les monnaies complémentaires, outil de la transition écologique de l’économie
Comme le souligne Bernard Lietaer, les monnaies nationales et les systèmes monétaires conventionnels que nous utilisons sont, par définition, générateurs de compétition et fondés sur le principe d’une rareté maintenue de façon artificielle. Or la manière dont est créée et gérée la monnaie dans une société donnée influence profondément les valeurs et les relations humaines de celle-ci. Face aux crises récurrentes, financières mais aussi environnementale, climatique et énergétique, on assiste depuis près de 30 ans à l’apparition de monnaies dites « alternatives », « sociales », « solidaires », « locales », « affectées », « complémentaires », ou encore « plurielles » qui proposent des modes de création et de gestion alternatifs.
Ces monnaies, issues d’une réflexion sur la nature et l’importance de l’argent et des comportements qu’il induit, résultent d’initiatives citoyennes. Selon les différents dispositifs, elles peuvent viser à
- induire des comportements plus coopératifs et solidaires ;
- renforcer le lien social et la cohésion communautaire ;
- favoriser l’échange de produits et de services à forte valeur écologique et sociale ;
- rectifier les règles de l’échange marchand ;
- dynamiser les échanges locaux et le développement local durable ;
- revaloriser des compétences non reconnues par le système marchand ;
- donner les conditions pour une réinsertion par le travail ;
- dégager l’argent de ses tendances spéculatives ;
- redonner un contrôle citoyen et démocratique sur l’unité d’échange, de compte et d’épargne ;
Des spécialistes, comme Jérôme Blanc ou Bernard Lietaer, considèrent qu’« il y avait, au milieu de la décennie 2000, entre un demi-million et un million [d’adhérents à des systèmes de monnaies sociales], répartis dans plus de trois mille associations, situées dans une quarantaine de pays, pour l’essentiel en Occident, en Amérique latine et au Japon ». Souvent en lien, bénéficiant de l’expérience d’autres initiatives à travers le monde par l’usage de réseaux sociaux et d’internet, elles ont évolué vers une rationalisation et une expérimentation plus systématisée.
Encore souvent marginales, ces innovations sociales par excellence, ces « utopies concrètes » sont pour certains des instruments de transition, dans leur capacité de relier les initiatives de transition déjà présentes, comme par exemple Les Transitions Towns (Villes en Transition) dont certaines possèdent leur propre monnaie. Celles-ci permettent de mettre en lien des initiatives sociales, écologiques et solidaires qui sans cela finissent par buter sur l’absence d’un outil adéquat d’échange et d’évaluation. La monnaie redevient ainsi un levier pour de redynamisation de nouvelles activités économiques locales (et donc la libérant, en partie du moins, de la dépendance des produits dérivés du pétrole) par le biais de l’accès à des biens et services et à du crédit en monnaie interne. Pour d’autres enfin, elles représentent un des éléments constitutifs du passage dans un futur plus ou moins éloigné d’une ère industrielle à une société de la connaissance.
(Source : http://www.socioeco.org/bdf_dossier-20_fr.html )
L’approche politique de la Région Rhone-Alpes
Le Conseil Régional Rhône Alpes a inscrit dans son plan de mandat 2010-2015 le soutien aux monnaies complémentaires. Cette thématique a été effectivement traitée dans deux délibérations, l’une en 2011 sur les monnaies d’engagement, au titre de la vie associative, l’autre en 2012 sur les monnaies locales complémentaires, au titre de l’économie de proximité.
Les monnaies complémentaires sont en effet reconnues par la Région comme des outils de la relocalisation de l’économie et de l’éducation populaire. Elles ont un effet de pédagogie active et de stimulation de l’économie locale, en accélérant et en relocalisant les échanges. Elles permettent à des acteurs économiques de mieux amortir les chocs économiques, en fluidifiant leur trésorerie. Elles permettent de recréer des solidarités et du lien social.
Par ailleurs, tous les travaux montrent que ces monnaies complémentaires peuvent s’intégrer parfaitement aux circuits monétaires classiques, en total respect des législations fiscales, sociales et bancaires en vigueur. Depuis la loi sur l’ESS de 2014, les monnaies locales complémentaires sont reconnues comme moyens de paiement dans la loi française. Cette reconnaissance ouvre des portes sur les rôles possibles des acteurs et des collectivités dans leur développement. La loi doit enfin permettre aux Trésoreries publiques, et donc aux collectivités, d’accepter le paiement en MLC.
La démarche régionale s’appuie sur trois leviers successifs :
1 / Le soutien à l’émergence de monnaies locales complémentaires sur les territoires : la Région soutient politiquement et financièrement le lancement de nouvelles expériences, sous condition de l’existence d’un collectif porteur, de diversité des formes de monnaies (temps, marchandes, engagement…), de pluralité des territoires engagés et de capacité d’essaimage des projets.
2 / L’accélération de la mise en réseau et de la coopération entre les projets de monnaies : la Région a contribué à la mise en place, a minima, d’une rencontre régionale annuelle des porteurs de monnaies en Rhône Alpes. Trois séminaires ont déjà eu lieu en 2011, 2012 et 2013. Universitaires et experts régionaux, nationaux et internationaux, acteurs économiques, financiers et de l’ESS sont associés à ces rencontres qui visent à mieux modéliser les expériences, à faciliter le transfert de savoir faire et l’essaimage, à constituer une communauté agissante auprès de l’opinion publique et des décideurs publics et privés ; la Région a notamment soutenu un travail spécifique sur les modèles économiques des monnaies complémentaires réalisé par deux chercheurs, Marie Fare[1] et Jérôme Blanc[2]. La Région est également membre actif du Réseau des Accorderies de France et échange sur la thématique avec les membres du Réseau des Territoires de l’Economie Solidaire. Une démarche de capitalisation sur les monnaies complementaires est en cours, conduite par la Monnaie Autrement à la demande de la Région.
3 / La mobilisation de l’outil monnaie complémentaire autour d’une politique régionale : la Région souhaite expérimenter pour ses propres politiques le support d’une monnaie complémentaire. Elle dispose d’outils proches de cette philosophie, comme le système d’abonnement TER OURA, la carte de débit affecté pour les lycéens M’Ra ou encore la société publique locale OSER dédiée au financement de travaux d’efficacité énergétique. Suivant de près les travaux en cours d’autres Régions comme Midi Pyrénées (Mipy) ou Ile de France (SAMBA), la Région Rhône Alpes n’a pas encore engagé cette étape opérationnelle.
Zoom sur la stratégie régionale de déploiement des accorderies en Rhône Alpes
Une Accorderie est un système d’échange né au Québec, visant à lutter contre la pauvreté en développant la participation des habitants. Des échanges de services sont développés, avec comme support une monnaie « temps » (une heure est échangée contre une heure). Tout en répondant à des besoins très concrets des habitants, ce système permet de valoriser des savoirs faire inemployés, de développer la convivialité, de remettre en confiance et de restaurer les liens et la capacité d’agir des personnes exclues du marché du travail et de la vie sociale tout en développant un réseau de solidarité avec des personnes de divers milieux. Elle permet ainsi de développer une richesse non monétaire mais évaluable en terme de bénéfices sociaux, tant pour la personne que pour la société (le quartier, le territoire) : solidarité, capacité d’échange et d’initiative, santé, tranquillité publique, accès à l’emploi…
La Région Rhône Alpes, en partenariat avec la Fondation MACIF, s’est engagée dans le soutien à l’émergence d’Accorderies sur son territoire. Dans le cadre d’une convention passée en juillet 2012 entre la Région Rhône Alpes et la MACIF, elle a soutenu à titre expérimental :
- la mise en place d’une coordination régionale associative visant à accompagner l’émergence d’Accorderies par la formation d’acteurs notamment, avec les Centres Sociaux, les Foyers de Jeunes Travailleurs, les Régies de Quartiers
- un comité de pilotage régional inter-institutionnel, associant la Région, la Fondation MACIF, les trois réseaux associatifs et progressivement le Réseau national des Accorderies, les CAF, la Caisse des Dépôts, d’autres collectivités
- l’appui à l’émergence de trois premières Accorderies à Chambéry, Die et Grenoble.
La dynamique de développement est forte sur Chambéry et Die. D’autres projets ont émergé, dans des secteurs éligibles à la politique de la ville notamment : Grenoble, Romans, Lyon, Annecy. Le milieu semi-rural et rural est également concerné par de nouveaux projets : Ambérieu, Les Avenières… La question de la pérennisation et de la diversification du financement des Accorderies se pose, avec des pistes de réponse encore inabouties. La mise en place d’un réseau national des Accorderies, permet de travailler également cette question à une autre échelle. Diverses institutions (Conseils généraux, CCAS, CAF, organismes HLM…) sont sollicités ainsi que des fondations.
[1] Docteur en sciences économiques, Université Lumière Lyon 2, UMR 5206 Triangle, Institut des Sciences de l’Homme
[2] Maître de Conférences HDR en sciences économiques, Université Lumière Lyon 2, UMR 5206 Triangle, Institut des Sciences de l’Homme